
Merci la vie!
Nous sommes le mercredi 2 mars. Je me trouve à l’hôpital, assise sur un siège à côté du lit chauffant de ton petit frère. Je l’observe. Sa respiration est irrégulière. Mon regard inquiet se porte sur un écran. J’y vois sa saturation. Elle est stable, à 98. Mes yeux se posent à nouveau sur son petit corps. Il est si lumineux, si beau, si parfait. Je suis déjà folle de lui. Je ne peux plus m’en passer. Notre rencontre, comme pour toi en ce jour du 21 janvier 2021, était une évidence. Tu es devenue ma fille et j’étais devenue ta maman. A son tour, Aloïs était devenu mon fils et, moi, sa maman. Quelle chance ! Merci la vie !
Il est 9h00, je reçois un message de Omi. « Coucou Norah. Comment vas-tu ? Ta sœur a pris son envol il y a 35 ans aujourd’hui [icône étoiles] ». Oui. Tata Délia est avec toi, mon amour. Elle veille aussi sur nous. J’en suis certaine. Elle est partie rejoindre les étoiles à l’âge de huit mois. Omi et Opi connaissent eux aussi ce vide, cette absence, ce manque viscéral. Ils ont repris goût à la vie malgré l’insupportable perte, malgré cette douleur innommable. On ne devrait jamais avoir à enterrer son enfant. Les enfants, en toute logique, devraient survivre à leurs parents. Quand un enfant meurt, c’est tout un futur qui s’évanouit, un avenir qui disparaît. Un signe de l’au-delà ? Je le considère ainsi. Ma provocation pour la naissance de ton petit frère était prévue aujourd’hui. Aloïs est notre double arc-en-ciel. Il est venu dans nos vies pour que nous restions accrochés à elle car elle vaut la peine d’être vécue pleinement. C’est ce que tu as si bien été en mesure de faire de ton vivant. Ton sourire ravageur me revient. Celui qui apparaissait sur ton visage quand on te parlait. Ce rire, symbole de ta joie de vivre, ne me quittera plus jamais. Il résonne au fond de mon cœur. Grâce à lui, j’ai compris ce que signifiait « vivre ». Avec tes frères, ma chérie, nous allons vivre, vivre le bonheur, vivre chaque instant, être reconnaissants. Merci la vie !
Aloïs est maintenant âgé de cinq jours. Il est hospitalisé dans l’unité de néonatologie depuis sa naissance. Pour nous permettre de rentrer sereinement à la maison, plusieurs analyses sanguines et examens médicaux seront encore nécessaires. La génétique va prendre le relais pour tenter d’identifier la cause de ta mort, une probable cardiomyopathie comme l’a révélé le médecin légiste après ton autopsie. Nous n’aurons peut-être jamais de réponses mais nous avons besoin d’être rassurés pour la vie d’Aloïs, de Mathis et de Thibaut, tes trois adorables frères. Le temps semble long mais je prends mon mal en patience et je profite de vivre intensément chaque moment auprès de notre merveille. Plusieurs fois par jour et dans la nuit, je quitte ma chambre en maternité et je descends d’un étage pour retrouver notre arc-en-ciel en néonatologie. Tu ne sors jamais de mes pensées. Je ressens ton amour partout autour de moi, en moi. Je l’ai particulièrement ressenti lors de l’accouchement. J’avais peur. Je peinais à lâcher prise, à me faire confiance et tu as réussi à me calmer, ma chérie. Tu m’as donné la force de le mettre au monde, de lui insuffler la vie. J’ai pensé à tout ce que nous avions partagé et que nous aurons la chance de partager avec lui. C’était magique. Aloïs a poussé son premier cri, le samedi 26 février à 3h43 sur la douce mélodie d’une musique relaxante. Il a choisi sa date. Une venue au monde sereine sur un terrain semé d’embuches. Merci la vie !
L’amour sans condition que tu nous as fait connaître, Margaux, je le perçois dans les yeux de cet adorable poupon. Je le ressens dans ma voix apaisée, tranquillisée et je le vis dans ces moments de bien-être absolu lorsqu’Aloïs est blotti contre mon cœur. Sa fragilité me terrifie. Il est si petit et totalement dépendant de moi. Je suis responsable de sa vie comme je l’étais pour la tienne. Et si ? Je me sors cette idée de la tête. Non ça n’arrivera pas. Ça n’arrivera plus, plus jamais ! Je le nourris. Je savoure ces instants, ma chérie. Depuis ton départ, je sais à quel point ils sont précieux. Les infirmières nous accompagnent avec beaucoup d’empathie et réalisent les soins avec beaucoup de douceur. Je suis admirative. Il en faut de l’amour pour s’occuper de si petits bébés. Il en faut de l’amour pour vivre pleinement. Margaux, nous ne l’oublierons pas. « Vivre, c’est s’unir, vivre côte à côte le bonheur, et combattre ensemble le pire ». Henri-Frédéric Amiel
« Tu as pris ton envol il y a neuf mois. Pas un jour ne passe sans que nous ne pensions à toi. La mort nous a touchés au plus profond de nos entrailles. Et malgré tout, tu nous as donné la force de poursuivre notre vie. Tu as transformé notre désespoir en espoir, notre tristesse en joie, notre souffrance en bonheur. Tu nous as donné du courage pour nous maintenir du côté de la vie. Car oui, la vie est belle ! Tu nous l’as si bien montré durant tes 3 mois et demi de vie.
Margaux, nous t’aimons au-delà des étoiles. Tu nous as offert le plus beau cadeau qu’il soit, l’amour éternel et inconditionnel ».
Merci la vie!