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La vie est comme le vent

Nous sommes le mardi 27 septembre. Il est 19h30. Je suis installée dans notre bibliothèque avec tes deux grands frères. Je leur raconte l’histoire de « la vie est comme le vent » de Shona Innes et Irisz Agocs. C’est notre moment à nous. Rien qu’à nous ! Notre rituel du soir. Oh que je l’apprécie ! Mathis, se tient à ma droite. Thibaut est à gauche. Leur tête est appuyée sur mes épaules. Ils écoutent attentivement.

Je lève un bref instant mes yeux sur ton portrait accroché au mur en face de moi. Tu es belle, souriante, comme toujours. Tes yeux rieurs me transpercent le cœur. Ce jour-là, tu portais ce chapeau rayé que j’avais acheté quelques semaines avant ta mort. C’est la photo qui est apparue dans le journal pour annoncer ton décès. Rien que d’y penser, j’en frisonne encore. Quelle atrocité ! Quelle douleur insupportable ! Ecrire un petit texte et proposer une photo pour annoncer ta disparition, un terrible calvaire ! Nous devions annoncer que tu n’étais plus alors que trois mois et demi plus tôt on pouvait lire sur les réseaux sociaux « Une petite sœur pour Mathis et Thibaut. Margaux comble notre famille de joie ! ». J’ai mal.  La réalité me rattrape encore seize mois plus tard. J’ai vécu cette terrible épreuve que redoute chaque parent. Je t’ai perdue toi mon enfant.

Assise dans ta poussette, tu riais aux éclats. Je t’entends encore réagir aux grimaces rigolotes de papa.  Aujourd’hui, ce rire me pousse à vivre. Là. Ici et maintenant. Installée dans ce fauteuil avec tes frères, je peux le dire, Margaux, je suis heureuse.

« La vie est comme le vent : on ne peut pas la voir mais on la ressent. C’est le vent qui fait voler les cerfs-volants… Mais quand le vent s’arrête de souffler plus rien ne bouge… Le vent est parti loin, ailleurs… 

Quelle bel album ma chérie ! Quelle belle manière d’expliquer la vie ! Mais aussi la mort. Les mots utilisés sont simples, légers, doux, à la portée de chacun, clairs et précis. Pourtant le thème est plus que sérieux. Grave. La mort est mystérieuse. La mort est irrémédiable. La mort est silencieuse. La mort fait peur. La mort est pour beaucoup imprononçable.

Confrontés à la mort très tôt dans leur vie, tes deux grands frères en parlent ouvertement. Ils parlent de toi partout autour d’eux. Ils parlent de ta vie. Ils parlent de ta mort. Ils ne craignent pas le malaise que cela peut engendrer chez l’autre. Ils parlent de la mort parce qu’elle fait partie de la vie. Ils parlent d’elle avec légèreté, simplicité, comme le fait si bien ce livre. Pour ma part, ma chérie, c’est plus difficile. J’aborde le thème avec lourdeur. Parfois, je me retiens. Il m’arrive de me taire car je ne souhaite pas affecter l’autre, le mettre dans l’embarras. Ce silence me fait pourtant terriblement mal. Se taire c’est taire ton existence. La mort est dérangeante. La mort est lointaine. La mort est complexe.

Nous sommes dans les trois enfermés dans notre bulle. Une bulle remplie de tendresse, de douceur, de sérénité. Un vrai moment de partage s’instaure. Je ressens la vie autour de moi, en eux, en moi. Un sentiment de bien-être absolu me gagne. Je savoure. Je profite. Je vis. Je respire… Nous parlons de la vie, du bonheur. Nous parlons de la mort, de la tristesse. Nous parlons du renouveau, de la joie.  Nous parlons et nous ne nous taisons plus…

« […] Comme le vent, la vie revient. C’est pourquoi il faut en prendre soin et être heureux dès qu’on le peut ».

Auteur

norah.siegenthaler@bluewin.ch
Je m'appelle Norah Simon. Je suis née le 30 octobre 1989 à Lausanne. J'ai suivi une formation d'enseignante primaire à la Haute Ecole Pédagogique de Lausanne. J'ai toujours apprécié la lecture et l'écriture. Depuis le décès de ma fille, j'y ai trouvé un refuge, un moyen d'évacuer mon trop-plein d'émotions, un véritable exutoire.