Extraits du journal

Comment ai-je pu survivre à ta mort?

 « Il est 3h00. Nous sommes le 11 octobre. Plongée dans la pénombre, je suis assise à la table du salon et je t’écris. Ça me soulage. Je me sens un peu mieux. Depuis quelques semaines, mes réveils nocturnes sont plus fréquents. Aloïs est grincheux. Ses gencives sont gonflées et enflammées. Sept petites dents sont apparues en moins d’un moins ! Je suis fatiguée. J’ai besoin de sommeil. Peu importe ! Il est en vie ! Je voudrais dormir. Mais voilà, je n’y arrive plus…

A 2h30 ce matin, réveillée par ses cris, j’ai pris ton petit frère contre moi. J’ai caressé tendrement son visage. Je l’ai cajolé. J’ai profité. J’aurais voulu que cet instant ne s’arrête pas, jamais.  J’ai ressenti les battements de son cœur dans sa poitrine. Son corps était chaud, son odeur si douce. J’ai réalisé la chance que j’avais de me lever la nuit pour le réconforter… Pour toi, je ne peux plus le faire…

Depuis ton décès, il y a 17 mois, je me réveille souvent le cœur meurtri en pensant à toi, à nous, à nos rêves brisés. Je pleure en silence. Je ressens ce vide, cette absence, ce manque qui me torturent depuis ton départ. Ton petit frère s’est endormi. Il avait besoin d’être rassuré. Je suis assise à la table à manger. Incapable de trouver le sommeil, je tente de me souvenir de ton visage, de la chaleur de ton corps, de ton odeur. Je n’y parviens plus. Quelle atroce sensation ! Ces détails se sont effacés de ma mémoire. Des images sombres me reviennent. Celles qui me blessent, tournent en boucle dans ma tête, me brutalisent et me font tant de mal. Je me demande comment j’ai pu faire face. Comment ai-je pu survivre à ta mort ? Ces images sont traumatisantes. Mon estomac se noue. J’ai envie de vomir.

Je me souviens de ton dernier souffle lorsque les machines se sont arrêtées. Je me souviens de ton petit corps devenu gris allongé dans mes bras à l’hôpital. Je me souviens de ton abandon lorsque je t’ai laissée au personnel hospitalier. Je me rappelle le moment où je suis rentrée, sans toi. Je me rappelle les hurlements de tes grands frères lorsqu’on leur a annoncé ta mort. Je me rappelle ce petit corps sans vie dans ce cercueil blanc à la crypte. Je me souviens du choc. Ce corps était froid aussi dur qu’un caillou. Ma respiration est irrégulière. Je frissonne. Comment est-ce possible ? Comment ai-je pu tenir ? Ta mort me semble insensée. Pourquoi ? Pourquoi tant de douleur ? Pourquoi tant de souffrance ?

Si je vis aujourd’hui, c’est pour tes frères. Si je ris aujourd’hui, c’est pour eux. Si je retrouve ma joie de vivre, c’est grâce à eux. Ils sont mon remède, ma raison de vivre !

Margaux, mon ange, si je vis aujourd’hui, c’est parce que tu m’as indiqué le chemin. Si je ris aujourd’hui, c’est parce que tu m’as montré le véritable bonheur. Si je retrouve ma joie de vivre, c’est grâce à toi. Tu es mon remède, ma raison de vivre ! »

Auteur

norah.siegenthaler@bluewin.ch
Je m'appelle Norah Simon. Je suis née le 30 octobre 1989 à Lausanne. J'ai suivi une formation d'enseignante primaire à la Haute Ecole Pédagogique de Lausanne. J'ai toujours apprécié la lecture et l'écriture. Depuis le décès de ma fille, j'y ai trouvé un refuge, un moyen d'évacuer mon trop-plein d'émotions, un véritable exutoire.