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Entre rêve et réalité…

« Fais de ta vie un rêve et d’un rêve une réalité. »

Nous sommes le 19 août, c’est la rentrée et l’anniversaire de tes deux grands frères. Ils soufflent aujourd’hui leur cinquième bougie. Cinq ans déjà ! Je ne réalise pas. C’est bien réel pourtant. Je suis tellement fière de leur parcours, ma chérie, des merveilleux garçons qu’ils sont devenus. Mathis, certes colérique, est au fond un petit garçon très sensible. Il a beaucoup d’empathie pour son entourage et vit très mal la souffrance des autres. Il est fonceur, inventif et généreux. Son humour est irrésistible. Thibaut est un tendre. Il apprécie les câlins. Son évolution est fulgurante. Très timide et introverti lorsqu’il était plus petit, il est devenu indépendant, débrouillard et sûr de lui.

Il est presque huit heures, papa, tes frères et moi, nous tenons devant l’école. Je suis nerveuse. Les larmes tentent une percée. Je les retiens. Ce jour si spécial me renvoie à ma solitude, ma chérie. Toi, mon bébé d’amour, tu aurais dû être présente pour cette rentrée. Mes garçons sont devenus grands, ma fille gazouille sur un nuage et moi je me retrouve seule. Je ne craquerai pas. C’est décidé ! Tes frères sont heureux. Je ne veux pas gâcher cet instant.  Une amie, nous propose de prendre une photo pour immortaliser la magie du moment. Oui, aujourd’hui, je m’aperçois de l’importance de prendre des photos ! Elles sont éternelles et nous servent de bouée pour maintenir notre mémoire à flot, pour lui éviter de sombrer, d’oublier. Trois mois après ton décès, je constate que les souvenirs devenus déjà si flous s’éclaircissent à nouveau grâce à elles. Chaque jour depuis ton décès, je regarde ton si joli minois, tes yeux rieurs, ton petit nez en trompette. Sans ces images, ces détails se dissiperaient. Parfois, je me demande même si ta vie était réelle. N’ai-je pas rêvé de cette réalité ?

La photo est belle. Tes frères, la mine réjouie, les étoiles dans les yeux, rayonnent. Papa semble content. Je me demande comment il vit cet instant. Je souris et pourtant, ce sourire masque une profonde douleur que personne ne semble percevoir, le manque de toi, mon ange. En nous observant ainsi, Thibaut dans mes bras, papa tenant Mathis par les épaules, personne ne pourrait imaginer que nous venons de vivre la pire réalité que puissent supporter des parents. Une réalité qui, avec le temps, se mêle à un étrange sentiment de rêve.

Ce matin, à 7h00, j’ai ouvert la porte de la chambre de tes frères en leur murmurant « Joyeux anniversaire mes chéris, un immense cadeau vous attend au salon ». A toute vitesse, ils ont bondi du lit et ont dévalé les escaliers. En ouvrant le carton, quatre immenses ballons sont montés au plafond. Ils riaient et sautaient de joie. J’ai apprécié ce moment, je l’ai vécu pleinement. J’ai réalisé la chance que j’avais. J’ai fait de toi, de tes frères une réalité. Vous avez fait de moi une maman. Oui, je suis maman de trois enfants. J’ai eu la chance de vous voir naître, vivre, sourire. Pour toi, ma douce, c’était court, trop court mais tellement puissant. Que je suis reconnaissante de la Vie !

Six ans après notre rencontre, papa et moi avions transformé un premier rêve en réalité. Nous nous sommes dit oui devant notre famille et nos proches ! Nous avons célébré notre mariage le 23 mai 2015 à Champex.  Le temps était glacial, la neige était proche, mais l’amour était présent.

Le 19 août 2016, nous avons en une réalité et pour notre plus grand bonheur réalisé deux rêves : Mathis et Thibaut. Je me souviens de leur naissance, de leur arrivée chaotique après un mois d’hospitalisation au CHUV. Tes deux frères étaient pressés de voir le jour. Les inquiétudes et la peur engendrées par notre nouveau rôle de jeunes parents étaient fortes, mais l’amour était présent.

Le 21 janvier 2021, ta venue au monde, a transformé un nouveau rêve en réalité. Nous t’avions toi, notre petite fille. Les doutes n’existaient plus, seul l’amour était présent.

Le 11 mai 2021, ton décès a fait de notre réalité un cauchemar. Toi, notre petite ange, tu as pris ton envol laissant nos cœurs en mille morceaux, notre avenir en suspens, mais l’amour était plus que jamais présent.

Je t’aime, je t’aimais et je t’aimerai à jamais mon petit trésor de la Vie. Tu es la base de notre famille, notre socle, notre désir de continuer à transformer des rêves en réalité, la définition même de l’amour…

Auteur

norah.siegenthaler@bluewin.ch
Je m'appelle Norah Simon. Je suis née le 30 octobre 1989 à Lausanne. J'ai suivi une formation d'enseignante primaire à la Haute Ecole Pédagogique de Lausanne. J'ai toujours apprécié la lecture et l'écriture. Depuis le décès de ma fille, j'y ai trouvé un refuge, un moyen d'évacuer mon trop-plein d'émotions, un véritable exutoire.